Sortie du 12 Janvier 2013

4 Participants : David CANTALUPI, Christian CHARLETTY, Stéphane DALMAYRAC et Johnny BOUFFARTIGUES. 

Objectif : Percer le secret de la galerie fossile du fond : les Chinoiseries


Nous y voilà !
Nos dernières aventures au fond de la Muraille de Chine datent de presque un an. Une année de discussions passionnées, théories géohydrokarstologiques alambiquées, rêves ou insomnies (selon le degré d'excitation). Une année que nous listons un par un tous les objectifs d'exploration dans ce noeud karstique de -800, pour trouver le passage qui nous permettra de shunter ce satané siphon de -850.

Aujourd'hui, quatre joueurs : Charlot, Dav, Johnny et moi-même.
Notre objectif du jour, celui que nous avons placé en haut de la liste, est l'étroiture ventilée découverte en 2011 et revue en 2012 (voir compte rendu du 4 février 2012). Elle est à -787 m, soit 60 mètres au-dessus du siphon, sa direction nous éloigne de celui-ci, et surtout il y a un courant d'air jugé "chaud", le tout dans une galerie fossile de belles dimensions, l'étroiture n'étant due qu'à une coulée de calcite. Ca cause, hein ?
Nous nous fixons RDV assez tôt pour être en mesure de remonter au bivouac avant 23 heures, histoire de dormir à minuit (et donc de rentrer à la maison dimanche avant la nuit, ce qui permettra de passer un peu de temps avec nos compagnes et nos enfants qui, une fois de plus, ont sacrifié leur week-end pour nous).

Grosso modo, on tient le timing, malgré quelques petits retards inhérents à notre activité.
Nous entamons la descente à 10h30, chargés de matériel et nourriture en quantité nécessaire et suffisante (5 kits pour 4) et nous faisons une petite halte à midi au bivouac, à -500, pour refaire les kits pour le fond.
Il est entendu que nous déjeûnerons au fond, mais comme refaire les kits implique de brasser de la bouffe, Johnny ne résiste pas à l'envie de s'en rouler une tranche. Evidemment nous l'imitons.

Jambon "Serrano" : sujet sensible en spéléo

Nous reprenons notre cheminement le long du méandre tortueux du Tibet libre, qui nous amène gentiment à -600 au bord du légendaire puits du Gengis Kahn (qui, lui-même nous dépose directement à -700).
Juste avant d'atteindre ce fameux P100, Charlot lache un flegmatique "les enfants, j'ai un problème".

Un problème ?
Oui, un genre de problème : le flaque mobile de son descendeur vient de rompre au niveau du mousqueton...
Le bon côté des choses, c'est qu'il va pouvoir descendre plus léger.
Le mauvais, c'est qu'il va devoir avaler les 200 derniers mètres sur un demi cab'... Mais il en faudrait plus pour l'arrêter.

Dans le Gengis Kahn, il faut modifier l'équipement pour éviter un fâcheux frottement de corde. Il est 13 heures.
Johnny part en premier pour rajouter un fractio et changer une corde, tandis que Dav fait quelques photos avec Charlot. Je ferme la marche.

Départ du Gengis Kahn

Gengis Kahn : un P100, c'est profond

Gengis Kahn : un P100, c'est très profond
Eh oui : dans un P100, il en faut plus, de la lumière...

Cette formalité étant acquittée, nous poursuivons notre avancée le long du méandre Strasbourg-Pékin, vraiment plus confortable que 150 m plus haut (ça a déjà été écrit plusieurs fois, mais c'est trop appréciable pour ne pas le mentionner). Cela nous amène à la Salle de la Table, à -710.
Il est 14h30, et là, même si on n'est pas encore au fond, il est vraiment temps de casser la croûte.

Salle de la Table, ou Salle du Banc ?

Au choix un peu de saucisson, un peu de thon à la tomate, une tranche de jambon, un morceau de fromage, une compote, quelques biscuits et un délicieux riz au lait.
C'est là que Charlot laisse échapper un terrible geignement : en fait de riz au lait, il a pris du thon mayonnaise...

Nos tubes digestifs ayant retrouvé une occupation, nous continuons par le Foron du Bonheur, puis le puits des Puceaux (les découvreurs, dont je suis, ayant tous passé leur record de profondeur à cette occasion). Quelques dizaines de mètres plus loin, nous remontons au sommet du méandre par la jonction réalisée l'an dernier avec le gros actif jalonné d'énormes marmites. Au passage, nous récupérons un peu de matériel entreposé l'an dernier, avant d'entamer la descente des marmites vers notre objectif du jour.
Pour cela, il faut remettre la corde en place à beaucoup d'endroits, car elle a été déchiquetée par les crues de printemps. Cela nous permet de noter ce qu'il faut déséquiper pour l'hiver, et ce qui ne craint rien.
Dans cette portion, Johnny et Charlot jouent les guides pour Dav et moi, car c'est un vrai dédale de galeries, carrément fossiles, carrément actives, ou d'apparence fossile (mais à voir l'état de la corde il ne faut pas stationner ici au printemps).
Nous en profitons pour revoir l'arrivée de la galerie Chapajool découverte l'an dernier (compte rendu du 18 février 2012), et surtout l'arrivée spectaculaire de la "quatrième rivière" dont la cascade se jette dans une énorme vasque avant de rejoindre l'actif par lequel nous sommes descendus.

C'est y pas beau ?

Nous consacrons un peu de temps à faire quelques photos dans le secteur pendant que Johnny équipe un dernier accès vers l'aval.




La "troisième rivière", à quelques dizaines de mètres de là

Voilà, nous ne sommes plus très loin. Encore un petit ressaut de 3 mètres à gravir, et nous prenons pied dans la fameuse galerie fossile, vraiment fossile celle-là, avec un remplissage sableux et des planchers de calcite, et une ambiance effectivement "chaude" qui nous donne l'impression de ne pas être dans le même gouffre que le reste de la cavité. Charlot mesurera une température de 9.5°C (à confirmer cependant).
Nous voici à pied d'oeuvre, il est 16h30.

L'arrêt topo, à -787, se situe devant un premier rétrécissement qui peut se contourner par le bas en rampant dans une flaque. Quelques plaques de clacite judicieusement disposées permettent de passer sans trop se pourrir. Dav s'avance donc vers le vrai obstacle une trentaine de mètres plus loin, pour jauger la situation, et Johnny commence à préparer l'élargissement du premier obstacle.
Pendant ce temps, je file un coup de main à Charlot pour réparer son tuyau d'acéto qui vient de se sectionner. La réparation est sommaire, mais comme de toute façon il a aussi perdu son bouchon de calebonde, il va devoir faire confiance à son électrique...

Dav, de retour, suggère d'élargir en priorité le passage infranchissable, ce qui permettra de décider rapidement si on classe le sujet sans suite, ou si il faut revenir pour mettre au gabarit. Bonne suggestion.
L'étroiture élargie permet à Dav de se faufiler : il se trouve toujours dans la suite de la galerie, dans une alvéole de 5 mètres de long encombrée au fond par une nouvelle coulée. La première impression lui fait dire que la topo sera vite réglée...
La deuxième lecture est moins péremptoire : sous la coulée, un nouveau passage bas agrémenté d'une flaque donne accès à une galerie d'une dizaine de mètres qui se parcourt à quatre pattes avant de buter encore sur une étroiture.
Celle-ci est moins sévère. Il passe, se retrouve debout, avance encore de 5 mètres et s'arrête en haut d'un puits d'une quinzaine de mètres !

Là, l'ambiance change de ton.
Charlot fait demi tour pour aller chercher de la corde, pendant qu'on transfère le matos de désob vers la dernière étroiture.
Il est 19h30, Charlot et moi décidons de commencer la topo pendant que les autres équipent le puits. Le travail est assez fastidieux, aussi quand ils nous hèlent, nous ne nous faisons pas prier pour aller découvrir la suite avec eux.
Le puits est de belles dimensions. En face de nous se trouve une petite galerie en hauteur, tapissée de terre. Le fond du puits est lui aussi crépi de terre.



La suite se présente sous la forme d'un méandre de belles dimensions, 1 à 2 mètres de large, 4-5 de haut, qui repart dans la même direction que notre arrivée, en sens inverse. Au fond, un petit pipi ruisselle, mais à voir la faible hauteur qu'il réussit à nettoyer, son débit ne doit pas vraiment varier au cours de l'année. Il s'agit d'un écoulement de fissures, sans plus.
Nous abordons un premier toboggan de 6-7 mètres que nous sécurisons avec une corde, puis un ressaut de 3 mètres, également sécurisé.
Dix mètres plus loin, un petit décroché de 1.5 m, toujours terreux.

et Johnny

Ensuite, il faut franchir un rétrécissement de 2 mètres, en s'allongeant sur la terre, mais ça continue.
La difficulté suivante c'est un laminoir. Là nous percevons un sérieux ronronnement : rivière, cascade ou simple courant d'air qui siffle à travers une étroiture ?
Charlot s'avance seul, et nous décrit sa progression :
Le laminoir passe, et débouche sur un petit lac. Le plafond se relève, la galerie redevient propre. A gauche, un amont sans actif. En face, un méandre de 2 mètres de large et 7-8 mètres de haut, vue sur 15 mètres avant un virage à droite. Quand on s'avance dans cette direction, le ronronnement diminue : celui-ci provient du ressaut. Il est également clair qu'un actif temporaire le parcourt, ce qui a nettoyé la galerie. Demi-tour.

Johnny remonte poursuivre l'élargissement des deux étroitures, pendant que Dav et Charlot lèvent la topo au retour.

Ca farte ?
Toute la terre de la Muraille est dans cette galerie !

Pour ma part, je file faire chauffer de l'eau histoire qu'on mange chaud avant d'attaquer la remontée.
Il est 22h45 quand nous prenons la direction du bivouac.
Bilan : 124 mètres de topo, nouveau point bas à -825.
Nous baptiserons cette galerie "les Chinoiseries".

Le chemin est long depuis là bas au fond, alors nous adoptons un rythme pépère, entrecoupé de pauses grignotage et hydratation.
Nous atteignons le bivouac à 2 heures du matin, les traits tirés mais heureux.


Johnny


Steph (c'est moi)


Dav

Un petit bémol pour Charlot, qui a explosé son mousqueton de pédale dans le dernier puits...
La mouise ultime : "Que le cul te gratte et que les bras te raccourcissent !"
Charlot

Une petite soupe, un petit pipi, et nous nous endormons à 2h45, bien au chaud dans nos duvets.

Le réveil sonne à 8h00. Ce qui nous permet de décoller à 9h15 après un copieux petit déjeuner, en direction de la surface.
En chemin dans le Sumo, nous croisons Raf, Guich et Olivier qui descendent en direction de l'amont des Droits de l'Homme, à -500, pour poursuivre l'escalade entamée il y a quelques années.
Nous atteignons la salle d'entrée à midi ce qui, pour une fois, nous permet de remonter le canyon enneigé à la lumière du jour !



Encore une bien belle aventure, que nous débriefons bien au chaud devant une pizza aux Carroz, avant de rentrer dans nos pénates.

TPST : 26 heures

Photos : Dav

A+
Steph

Mots-clés: Muraille de Chine

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